I can't ignore you anymore. {#}Satoshi{/#}&ArturOui, morte. Elle était belle et bien morte. Tout ce qu'il y avait de plus mort. Mais de l'entendre dire de la bouche d'une personne supplémentaire ne fit que renforcer le malaise qui grandissait dans la poitrine d'Artur. Ses paroles, ses mots... Il venait de tout raconter à Satoshi comme si de rien n'était. Comme s'ils étaient encore les deux meilleurs amis sur l'Héritage, capables d'accomplir de grandes choses. Il lui avait tout dit, toute cette histoire qui le rongeait depuis plus de huit mois désormais. C'était presque comme s'il avait davantage de facilité à se confier à ce garçon qu'il n'avait pas vu depuis bien longtemps qu'à sa psychologue. Satoshi possédait sans doute quelques unes de ses propriétés apaisantes et réconfortantes sans lui-même le savoir. Sauf que le tatoueur ignorait à quel point il venait de lâcher une bombe sur cet ami pourtant si bienveillant. Est-ce qu'il avait gâché la soirée en révélant tout cela ? Non, parce que de toute manière, Satoshi aurait bien fini par l'apprendre ; autant que cela se fasse en une seule fois, pour qu'il puisse mieux l'avaler. Cependant, sur le moment, c'était le russo-japonais qui avait bien du mal à déglutir. Il se sentait coupable et, en plus, les larmes qui commençaient à dévaler le visage de son meilleur ami n'arrangèrent pas les choses. N'aurait-il pas pu se taire ? Lui dire, juste, que Haya n'était pas là ? Pas présente ? Non. Il en avait terminé avec le mensonge.
« Satoshi... » murmura-t-il réellement confus de la situation qui se présentait à lui.
Il n'avait pas l'habitude de consoler les personnes qui pleuraient. D'ordinaire, c'était lui qui fondait de cette façon quand il évoquait ce même sujet. Là, il se sentait vraiment désemparé, mais il fallait qu'il agisse et qu'il réconforte son interlocuteur. Il n'avait pas voulu le rendre dans un tel état, ce n'était pas son but... Ces retrouvailles avaient pourtant si bien débuté, un étage plus haut. Artur s'en retrouva encore plus mal et son cœur se serra dans sa poitrine. Il enfonça ses mains dans ses poches, tremblantes. Il se mordit la lèvre et, enfin, se déplaça pour venir s'asseoir près du jeune homme. Ses propres yeux étaient embrumés, fatigués de tout ceci. En bon ami, il déposa son bras sur les épaules de Satoshi, pour les encadrer, le soutenir. C'était compliqué de trouver les mots justes pour lui expliquer, pour lui demander de se calmer. Une boule stagnait dans la gorge du tatoueur, ému et ne sachant pas comment se dépêtrer de là. Alors son étreinte fut un peu plus forte, se voulant plus réconfortante et il osa un baiser sur la tempe de son meilleur ami. De silencieuses larmes coulaient sur ses propres joues, mouillant son tee-shirt blanc, mais c'était le risque de porter une telle couleur. Haya... Elle était tout pour lui. Une amie merveilleuse, une femme splendide, une mère ravissante. Il l'avait aimé dès qu'il l'avait vue. S'il croyait au coup de foudre, il aurait clairement dit que cela en avait été un. Toujours de bonne humeur, sachant faire la part des choses et prendre des décisions justes, Haya était sans conteste la femme parfaite. Longtemps, et encore à ce jour, Artur se blâme de ne pas avoir été suffisamment bon et à la hauteur pour elle. C'était pour cela qu'elle le lui avait été retiré. Son âme le consumait de l'intérieur et brûlait ses souvenirs. Il serrait son autre poing sur sa cuisse, se mordant plus fort encore sa lèvre pour ne pas accompagner Satoshi dans ses sanglots.
« Ne t'inquiète pas, ce n'est pas de ta faute... C'est moi, je n'aurais peut-être pas dû t'asséner ça comme ça » s'excusa-t-il en lui tendant sa boîte de mouchoirs non loin de là.
Et puis ce petit vampire l'interrogea de nouveau, plus subtilement, enfin plus ou moins. Artur demeura un instant sans rien dire, n'ayant pas encore une fois envie de le voir fondre en larmes. Il opta donc pour se relever et aller chercher sa bouteille d'alcool si bien cachée dans son coin. De dos à son interlocuteur, c'était plus facile de ne pas se dévoiler.
« Oui, c'est vrai. C'est vrai quand je n'y pense pas, que je suis loin de chez moi. Mais on est jamais bien loin de chez soi, sur l'Héritage. »
Il haussa les épaules en déposant par la suite sa bouteille sur la table. Il croisa le regard de Satoshi, tentant un sourire pour lui dire que tout irait bien mieux au fur et à mesure des mois, des années. C'était le discours qu'on lui servait, dans le bureau de la psychologue, et il se plaisait à essayer au moins un minimum d'y croire. Il attrapa deux verres et versa un fond d'alcool dans chacun d'eux, levant le sien pour trinquer à la santé de son ami. Ils devaient passer à autre chose maintenant, assez parler d'Artur, vraiment.
« Si on trinque à nos retrouvailles, ça ne va pas te faire pleurer, j'espère ? taquina-t-il gentiment son vis-à-vis. J'aimerais en savoir un peu plus sur toi, moi aussi. ça te plaît tous ces animaux ? »
I can't ignore you anymore. {#}Satoshi{/#}&ArturEt la question tomba. Et il en demeura pantois. Durant quelques secondes seulement parce qu'il aurait du se douter que cela serait la première question que Satoshi lui poserait. Après tout, il vivait dans un appartement pour deux personnes, pour fonder une famille, alors il ne pouvait tout simplement pas, administrativement parler, y vivre seul. C'était la règle sur l'Héritage ; sinon on continuait de cohabiter sous le même toit que ses parents. Mais voilà, Artur faisait exception à la règle et mentir à son ancien camarade de classe ne lui vint même pas à l'esprit.
« Elle n'est pas là, répondit en triturant nerveusement sa canette. A vrai dire, elle est décédée en essayant de donner naissance à notre fils, qui est décédé lui aussi. »
Ces plaies là étaient loin d'être fermées et ne le seraient sans doute jamais. Mais c'était bien pour cela que le tatoueur se rendait à chacun des rendez-vous qui étaient programmés. L'initiative venait de lui et il s'en félicitait. Il se félicitait au moins sur le point de "tenter de vivre avec". Ce n'était pas tous les jours faciles, sauf qu'il commençait à comprendre ce que le médecin souhaitait lui faire apprendre. Après tout, en-dehors de ces décès, Artur n'était pas tout seul. Il avait encore ses parents, des amis, un travail... Prendre la vie du bon côté, chapitre 2. Il tenta d'esquisser un sourire rassurant à Satoshi, pour lui dire que ce n'était pas grave d'avoir mis les pieds dans le plat. De toute façon, comment aurait-il pu deviner ? Les rumeurs ne vont pas si vite.
« J'ai été pas mal occupé ces derniers temps, avoua-t-il, alors pour tout te dire, je n'ai pas trop prêté attention aux rumeurs qui circulent dans ces couloirs. Mais je vais mieux maintenant, je vais mieux. »
Est-ce qu'il voulait convaincre son interlocuteur ou bien son propre conscient ? Peut-être bien les deux, en y réfléchissant. Il passa une main dans sa chevelure, se laissant glisser un peu plus sur sa chaise. Il but une gorgée de son soda et, tout aussi simplement que ça, il décida de raconter à Satoshi son histoire.
« Je l'ai emmené à l'hôpital bien assez tôt, le travail a mis du temps à se mettre en place, mais les infirmières sont toutes bienveillantes. Je lui ai parlé, à Haya, tout le temps, pour la rassurer, lui dire que tout se passerait bien. (Sa gorge se noua.) Et puis, je ne sais pas... Quelque chose s'est détraqué et on m'a demandé de quitter la salle d'accouchement. J'ai tellement attendu, tout seul. »
Il fit une pause, histoire de digérer ça en même temps que le blondinet en face de lui. Il le voyait respectueux, écoutant sans poser le moindre jugement dessus. Rien que pour cela, Artur le remerciait.
« Quand le médecin est enfin venu me chercher, il m'a dit que ma femme n'avait pas survécu. Mon fils, par contre, était dans une couveuse, bien au chaud. J'y ai cru, vraiment... jusqu'à ce que son bipeur l'appelle en urgence. Il est parti, lui aussi. Ils sont partis tous les deux. »
Il déglutit avec difficulté, sentant la douleur revenir dans tout son âme comme si c'était hier alors que plus de six mois le séparait de ces événements tragiques. Un instant, il s'en voulut aussi d'en parler aussi tôt à Satoshi, si facilement. Ils ne s'étaient pas côtoyés depuis des années et le voilà en train de l'ennuyer avec sa pauvre petite vie misérable. Il soupira, renifla bruyamment et essuya ses yeux d'un geste rapide de sa manche.
« Excuse-moi pour le moment émotion... Assez parlé de moi maintenant, parle-moi de toi, esquissa-t-il un sourire sincère. Comment vont tes parents ? »
I can't ignore you anymore. {#}Satoshi{/#}&ArturArtur ne remarqua pas le malaise qui semblait pourtant prendre sa place dans l'expression de son ancien camarade de classe. Comment aurait-il pu le savoir, de toute façon ? Satoshi ne lui avait jamais dit qu'il avait été un jour attiré par lui et, de son côté, Artur devait bien avouer ne l'avoir toujours qu'apprécié en tant qu'ami, rien de plus. Aujourd'hui alors, en toute honnêteté, le tatoueur était heureux de retrouver ce jeune homme avec lequel il avait de bons souvenirs.
« Oh, ça va, répondit-il en souriant, on fait aller. Et toi alors ? Qu'est-ce que tu deviens ? Tu travailles par ici ? »
Il y avait tellement de questions, mais pourquoi rester au beau milieu du couloir ? De nombreuses oreilles trop curieuses vivaient parmi les membres de l'Héritage et Artur savait bien que les nouvelles circulaient vite entre ceux qui le désiraient. Depuis un petit moment, des événements étranges se déroulaient dans ce bunker souterrain. Des rumeurs couraient, du genre qu'un enfant, un adolescent, aurait réussi à quitter cet endroit et remonter à la surface... Le jeune homme se souvint à cet instant de cette mission qu'il avait effectué avec l'aide de Min Oh. Oui, à croire que malgré le système de sécurité, il y a avait de plus en plus de failles dans ce système. Et même si Artur n'était pas contre, le système, il aimait être curieux et s'intéresser à ce qui se passait de l'autre côté du miroir. Il passa une main dans sa chevelure, adressant un nouveau sourire à son interlocuteur dont il venait de remarquer ses deux canines pointues. C'était tellement mignon ; Artur ne se rappelait plus vraiment s'il était né avec ou s'il les avait manié de sorte à se créer son propre style.
« ça te dit plutôt qu'on aille discuter chez moi ? Je suis à l'étage juste en-dessous, ce sera rapide. »
A vrai dire, il ne lui laissa pas tellement le temps de lui répondre puisqu'il aperçut la porte de l'ascenseur s'ouvrir. Il saisit l'avant-bras de Satoshi pour l'entraîner à l'intérieur avec lui. La descente fut rapide, tout comme longer le couloir pour se rendre à l'appartement du tatoueur. Une fois devant la porte, il l'ouvrit et fit signe à son ami d'entrer, de ne pas se gêner. Comme n'importe quel appartement, le sien était plutôt petit, un grand lit sur la gauche, une table et deux chaises sur la droite avec un petit coin cuisine et à peine plus loin, la salle de bain. La composition était semblable à presque toutes les "chambres" à quelques détails près. Sur la table s'étalaient les fiches de dessins, les cahiers et crayons d'Artur. Il s'y dirigea automatiquement pour remettre un peu d'ordre en enfouissant tout ça dans une caisse sous son lit. Ensuite, il alla vers le réfrigérateur pour sortir deux canettes de soda et le proposer à Satoshi.
« Voilà mon petit chez moi, lâcha-t-il en s'installant en face de lui. ça fait tellement longtemps qu'on ne s'est pas vu... C'est étrange de retomber face à face comme ça ! »
I can't ignore you anymore. {#}Satoshi{/#}&ArturC'était l'un de ses jours sans. Le premier d'une longue série qu'il redoutait d'ores et déjà. Cela faisait plus de six mois que Haya était partie, Haya et son enfant, son fils, ce pauvre enfant qui n'avait rien connu de la vie. Alors Artur avait eu le cafard, dès le réveil. Il n'avait eu pas la moindre envie de se lever, de traîner ses pieds dans le salon de tatouages, de conseiller des clients, d'aller à son rendez-vous chez le psychologue... Mais il avait pourtant fait tout cela, sans rechigner, en donnant même le meilleur de lui-même car il n'y avait qu'au travail qu'il s'exprimait vraiment et que son esprit pouvait se permettre de penser à autre chose. Il avait fait sa journée, souriant devant tous ceux qui se présentaient à eux, devant son collègue et devant tout le monde, finalement. Parce qu'il avait toujours été ainsi, Artur. Souriant, agréable et doux. Que des qualités, vraiment, sans personne pour se douter que là-derrière se tapissait l'ombre d'une dépression. Qu'avait-il fait pour mériter cela ? Il l'ignorait, ça l'ennuyait profondément, il tentait d'y faire face. De toute la puissance de son petit être, il essayait de faire de son mieux pour se relever de cette épreuve. Pourtant entouré par ses parents, ses amis, il se sentait plus seul que jamais et il s'en voulait par rapport à cela. A son égoïsme mal placé. Auparavant, il aurait tout donner pour revenir en arrière ; aujourd'hui, il sait qu'il doit accepter et poursuivre sa route. Pour Haya et leur enfant. En fin de journée, il avait pu débaucher un peu plus tôt afin de se rendre à son rendez-vous à l'hôpital. C'était de lui-même qu'il avait pris l'initiative, deux ou trois semaines à la suite de son traumatisme. Il savait très bien qu'il ne se remettrait pas debout sans l'aide de quelqu'un d'extérieur à tout cela. Et ce médecin l'aidait, vraiment. Il n'était pas l'un de ces charlatans qui vous laisse parler, parler, parler et l'heure tourne, tourne, tourne pour que l'argent rentre dans ses poches. Celui-ci conseillait le jeune homme sur les bonnes actions à faire, à penser, à réfléchir et grâce à cela Artur allait mieux, bien mieux. Il ne voyait plus la vie si triste et injuste, même s'il lui arrivait de toujours le songer. Néanmoins, en sortant de sa séance, il avait le cœur un peu plus léger. Il partit reprendre un rendez-vous pour dans une quinzaine de jours avant de quitter complètement l'hôpital et de prendre le chemin de son appartement. C'était ça qui finirait par le tuer. Cet appartement meublé pour trois alors qu'il n'était plus qu'un. Mais il décida de faire abstraction de cette pensée en secouant légèrement la tête. Il longeait les couloirs du quatrième étage pour se rendre jusqu'à l'ascenseur qu'il emprunterait pour descendre au premier. Perdu dans ses réflexions, il fit volte-face lorsqu'il croisa un garçon qu'il crut reconnaître. Cette petite taille, ce visage entraperçu... Il n'y avait qu'un seul prénom qui répondait à cette personnalité.
« Eh, attends ! Satoshi... ? »
Il venait de déposer sa main sur son épaule, pour faire ralentir le jeune homme et lui démontrer que c'était bien à lui qu'il s'adressait. Il lui adressa un sourire lorsqu'il se retourna vers lui et Artur ne put qu'être certain du prénom qu'il avait prononcé. Ce ne pouvait être que son vieil ami Satoshi.
« C'est moi, Artur. Tu te souviens de moi ? Nous étions dans la même classe. »